Les Certificats de Production Biogaz et Biogas Purchase Agreement sont des mécanismes de soutien à la production de biométhane que l’on qualifie d’« extra-budgétaires » au sein de la filière, car non financés par l’état. Quelles sont les différences entre ces mécanismes ? Quels intérêts et points d’attention en tant que Porteur de Projet d’un site de production ? Voici quelques éléments de décryptage pour vous éclairer avec les informations disponibles à date.

CPB : quand le biométhane produit de nouveaux « certificats »

La loi Climat et Résilience adoptée le 12 juillet 2021 a créé un mécanisme spécifique permettant un financement de la production de biométhane par les fournisseurs (loi complétée par le Décret n°2022-640 du 25 avril 2022).
Concrètement, ce mécanisme impose aux fournisseurs (initialement ceux livrant plus de 400 GWh PCS seuil progressivement baissé de 100 GWh/an jusqu’à ce que tous les fournisseurs soient inclus dans le dispositif) à restituer à l’Etat des « certificats de production de biogaz » en produisant « directement » du biométhane injecté dans un réseau de gaz (ex : cas des Fournisseurs/développeurs) ou en acquérant des certificats auprès de nouveaux producteurs qui injecteront dans un réseau de gaz. Ce dispositif permet donc un financement de la production par les fournisseurs (et in fine leur portefeuille de consommateurs). Ce mécanisme s’inspire, par exemple, des obligations faites aux pétroliers d’incorporer une part de biocarburants dans leurs achats, ou des Certificats d’Economie d’Energie.
Dans ce dispositif, les producteurs de biométhane commercialisent indépendamment la molécule de biogaz et les certificats de production de biogaz. Ce dispositif permet donc aux producteurs de disposer d’un revenu associé à la commercialisation des certificats de production de biogaz venant s’ajouter au revenu de la vente physique du biogaz, permettant ainsi de pouvoir financer leurs coûts de production.

fonctionnement CPB

 Quel est le niveau d’obligation pour les fournisseurs ?

Concrètement, le niveau d’obligation d’un fournisseur est défini par le produit entre un ratio du type « X CPB par MWh PCS » et le niveau de consommation des clients résidentiels et tertiaire du fournisseur en question.

Les niveaux d’obligation ont été définis pour tenir la trajectoire suivante :

  • 2026 :  1,2 TWh PCS
  • 2027 :  5 TWh PCS
  • 2028 : 10,4 TWh PCS

Le niveau d’obligation de restitution de certificats de production de biogaz est basé sur une vision proposée par la filière :  en 2026, sur la production d’installations de cogénération dont le contrat d’obligation d’achat arrive à terme et pouvant être raccordées au réseau de gaz naturel et intègre à partir de 2027, de la production de nouvelles installations de production de biométhane.

Une installation sortant de tarif d’achat peut donc prétendre aux CPB ?

Oui, complètement. Afin toutefois de distinguer les sites de production entre eux (notamment ceux ayant déjà bénéficié d’un tarif de soutien (en cogénération ou injection) et ayant donc potentiellement des coûts de production plus faibles que les installations neuves), a été introduite une notion de modulation de la production de CPB :

  • Pour les installations pour lesquelles la date de mise en service est inférieure ou égale à 15 ans : 1 MWh injecté donne 1 CPB
  • Pour les Installations pour lesquelles la date de mise en service est supérieure à 15 ans : 1 MWh injecté donne 0,8 CPB

Que se passe-t-il si le fournisseur ne respecte pas ses obligations ?

Il est prévu dans ce cas une pénalité de 100€ par certificat manquant.
Les CPB sont donc par essence un « coût » pour le fournisseur obligé, que ce soit via la production de CPB ou le paiement de la pénalité. Il serait donc logique que les fournisseurs engagent des arbitrages entre le coût de production du CPB versus le coût de la pénalité. Dans le détail, il s’agirait d’une comparaison entre :

  • D’une part le prix d’achat du biométhane au producteur (ex : 100, 130, 150€/MWh…) diminué du coût valorisable de la molécule de CH4 sur les marchés (ex : 30, 40, 50€/MWh…)
  • Et le prix de la pénalité ramené au CPB non restitué (ex : 100 € par CPB)

Le prix de la pénalité est défini par période d’obligation, soit ici jusqu’en 2028. Les sites de production ciblés en premier par les fournisseurs seront donc ceux qui auront les coûts de production les plus bas de la filière. Par exemple :

  • Producteurs ayant des productibilité de biométhane importantes
  • Producteurs sortant d’un tarif de rachat (bénéficiant de CAPEX amortis / coûts de la dette faible voire nulle), sites dits « brownfield » (existants)
  • Producteurs non agricoles disposant d’un coût de production plus faible : ISDND, STEP industrielle in situ…

Ce dispositif est-il cumulable avec un tarif d’achat réglementé ?

Non, ce dispositif est exclusif : un site bénéficiant à l’instant t d’un soutien d’état ne peut prétendre à la production de CPB.

Pour une installation neuve, le fournisseur peut-il me proposer un contrat CPB sur une durée de moins de 15 ans ?

Dans la théorie oui, mais cela devrait faire l’objet d’échanges pour adapter au mieux les contraintes de financement et d’amortissement de l’unité (risques vus du producteur) avec les besoins et contraintes du fournisseur (risques du fournisseur). La négociation sur la durée est donc à la main des deux parties.
Par exemple, la durée d’engagement du contrat d’achat pourrait probablement être affectée par les différentes périodes d’obligation (la 1ere s’étalant de 2026 à 2028).

Des regroupements sont-ils possibles ?

Les fournisseurs ont la possibilité de se regrouper pour contractualiser des CPB (via par ex une coopérative d’achat, principe qui garantit l’achat des CPB pendant toute la durée du contrat, et couvre le risque de défaillance d’un fournisseur de gaz). Pour les producteurs, cela pourrait être envisageable mais reste à vérifier.

La production soutenue par CPB doit-être respecter RED2 ?

Oui, le biométhane issu des CPB doit répondre aux critères de durabilité RED2.


BPA, quand le biométhane se rapproche des consommateurs

Le contrat d’achat de type « BPA » est un contrat d’approvisionnement de gaz renouvelable librement négocié entre un producteur et un consommateur final ou un intermédiaire (fournisseur de gaz par exemple). Il permet de convenir de la livraison de gaz sur une période donnée et selon un prix négocié à la date du contrat, en identifiant l’unité de production et le ou les sites de consommation. Il reprend l’approche des PPA (Power Purchase Agreement), dispositif plus mature présent dans le secteur électrique.

L’achat/vente se fonde donc et aujourd’hui sur une base purement commerciale entre les parties.

Le BPA est adaptable et évolutif en fonction du contexte et des acteurs en présence. Il permet aux parties prenantes de s’engager sur une durée importante convenue (5 à 15 ans) et à un prix fixe. Parfois, une part de ce prix peut être indexée selon le partage des risques décidé entre l’exploitant et le consommateur. Le BPA définit l’origine des GO obtenues, des éventuelles preuves de durabilité et de l’énergie livrée, apportant une visibilité supplémentaire pour le consommateur. Avec un marché de gros du gaz perturbé associé à l’enjeu de maitrise des dépenses, cette solution de sécurisation des prix dans le temps présente de multiples avantages pour les consommateurs et contribue au développement de la filière côté producteurs.

Bien que différents modèles soient possibles, le plus représentatif en matière de fonctionnement est le BPA dit « indirect » :

Guide BPA GRTgaz septembre 2023
Source : “Biomethane Purchase Agreement (BPA) : décryptage pour les industriels consommateurs de gaz”, guide édité par GRTgaz

En effet, les modalités opérationnelles de gestion de l’énergie sur les réseaux de gaz sont telles que l’intermédiation d’un tiers semble plus que probable. Ce tiers tout désigné semble être un fournisseur de gaz qui dispose des outils législatifs et réglementaires (autorisation de fourniture), des contrats sur les réseaux gaz (contrat d’acheminement sur les réseaux de distribution et surtout de transport), de l’assise financière (garanties bancaires), de la capacité à gérer les risques de couverture de l’énergie (edging) et enfin des ressources humaines pour gérer l’équilibrage notamment (365 j/an, 7 j/7, 24h/24).

La réglementation a récemment défini un cadre pour ces nouveaux contrats de droit privé :
1) L’article L.443-1 du code de l’énergie stipule que le producteur doit être titulaire d’une autorisation de fourniture de gaz naturel au sens du code de l’énergie ou doit désigner un fournisseur titulaire d’une autorisation dans le contrat de gré à gré. Les producteurs ne disposant dans la très grande majorité des cas pas d’une telle autorisation ministérielle, l’intermédiation d’un fournisseur est dans ce cas indispensable.
https://www.ecologie.gouv.fr/procedure-dautorisation-fourniture-en-gaz-naturel
2) L’article L441-6 du code de l’Energie a permis en outre l’ouverture des BPA à la commande publique
3) Pour les lauréats d’AO organisé par l’état, il pourrait être réglementairement possible de cumuler tarif d’achat réglementé / complément de rémunération et BPA
4) A noter que les tarifs d’avant 2021 pourraient bénéficier d’une autorisation de cumuler tarif + contrat de type BPA sur des excédents de production si et seulement si l’acheteur de biométhane (le « cocontractant ») est identique.

Les prix et durée permettent un juste équilibre entre les besoins du producteur de rentabiliser ses coûts de production (CAPEX, OPEX, rémunération associée) et ceux du consommateur.
A noter que la certification RED2 de la production peut clairement être un « plus » voire une exigence de certains consommateurs et fournisseurs.

Comment sont fixés les prix ?
S’agissant de contrats dits « de gré à gré », les prix « vus du consommateur » sont donc négociés entre les parties et intègrent :
• La valeur des coûts de production du biométhane qui servira de rémunération au producteur
• Des frais d’équilibrage et de service du fournisseur liés notamment aux exigences du consommateur en matière de « qualité de fourniture »

Bien que les prix peuvent être indexés sur la durée du contrat ils apportent une stabilité de coûts dans l’approvisionnement en énergie du consommateur (versus les prix du marché libre).

Quel est le prix plancher pour un producteur de biométhane par méthanisation ?
Source : Biomethane Purchase Agreement (BPA) : décryptage pour les industriels consommateurs de gaz, édité par GRTgaz

Les consommateurs souhaitant contractualiser un BPA vont donc chercher à bénéficier des coûts de production les plus compétitifs. Par exemple :

  • Producteurs ayant des productibilité de biométhane importantes grâce à des effets d’échelle, selon les retours d’expérience en France (ADEME) ou en Europe (BPI)
  • Producteurs sortant d’un tarif de rachat (bénéficiant de CAPEX amortis / coûts de la dette faible voire nulle), sites dits « brownfield » (existants)
  • Producteurs non agricoles disposant d’un coût de production plus faible : ISDND, STEP industrielle in situ…

On y retrouve ici les mêmes typologies de « cibles » que les fournisseurs pour les CPB.

A noter que le prix peut ne pas être le seul critère d’arbitrage pour un consommateur : la localisation géographique du site de production, à proximité du point de consommation, peut tout aussi être important même si contractuellement, cela importe peu.

Comment est fixée la durée de contractualisation ?

La durée fait partie, avec le prix, de l’autre variable importante de négociation : elle peut s’étaler de qlq années à 15 ans. Il y a donc un compromis à trouver pour réconcilier les besoins des parties :

  • Pour le producteur, qui a intérêt à bénéficier d’un contrat couvrant son risque d’investissement
  • Pour le consommateur, qui raisonne sur des engagements plus court-termistes du fait de ses propres risques de marché

A noter que les sites « brownfield » peuvent naturellement proposer des durées plus faibles que les « greenfield » qui ont besoin de durée pour amortir le coût des installations.

Durées indicatives en fonction des typologies de projets biométhane
Source : “Biomethane Purchase Agreement (BPA) : décryptage pour les industriels consommateurs de gaz”, guide édité par GRTgaz

Quels sont les consommateurs pouvant être intéressés par ce type de contrats ?

Il s’agit de consommateurs, situés en France ou à l’étranger, ayant des besoins immédiats de décarbonation pour lesquels le biométhane est une réponse compétitive/disponible vis-à-vis de leurs autres alternatives. Quelques exemples :
• Industriel non soumis à quotas de CO2 pour notamment des besoins RSE
• Industriel ou chaufferies gaz soumis à quotas de CO2 (certification RED2 nécessaire)
• Collectivité (pour les consos des bâtiments ou indirectement dans le cadre de chaufferies gaz sur des Réseaux de Chaleur Urbains)
• Avitailleur terrestre bioGNV pour les besoins de ses stations carburant
• Avitailleur Maritime bioGNL (certification RED2 nécessaire)

Quels avantages / inconvénients pour le producteur ?

Un contrat de type BPA peut revêtir certains intérêts pour le producteur :
• Relais des TA/AO lorsque le site n’y est plus éligible par exemple, ou sur des excédents de production si le contrat en cours le permet
• Traçabilité de l’usage garanti le temps du contrat (peut-être un plus en matière d’acceptabilité) :
o Un consommateur souhaitant bénéficier de Garantie d’origine sur le long terme peut y voir une valeur supplémentaire par rapport aux autres dispositifs
• Un consommateur cherchant une localisation précise de production pourra l’obtenir facilement avec ce dispositif
• Intérêt des consommateurs européens
• …

… ainsi que certains inconvénients :
• En absence de garanties apportées par un contrat de rachat établi et garanti par l’état, un BPA repose donc uniquement sur un ensemble de clauses juridiques et contractuelles : attention donc aux termes du contrat, aux exigences de « qualité de fourniture » du consommateur (ex : que se passe-t-il en cas d’arrêt de production – pénalités associées …), des clauses de sorties et risque de contreparties…
• Il peut être difficile de définir la bonne “durée” de contrat pour un partage de risque équilibré
• Le financement bancaire n’est pas géré de la même manière que pour un contrat avec obligation d’achat (appréciation du risque différente côté Banques)
• L’attractivité de la solution, vu du consommateur, est dépendante de la compétitivité dans le temps des autres solutions pour se décarboner : autres énergies (électricité, chaleur directe issue de chaufferie biomasse ou réseau de chaleur, biocarburants…) mais aussi au sein même de la filière biométhane (achat de gaz vert via des Garanties d’Origine provenant de sites de production soutenus par des tarifs d’achat* versus BPA)
• Les besoins des consommateurs peuvent imposer la certification RED2 de la production

*à noter que seules 36% des GO issues des TA sont toutefois dédiées aux sites soumis à quotas de CO2

Il est important avant de se lancer dans ce type de contrat 1) soit d’avoir les compétences en interne du groupe pour le montage de ces contrats et l’analyse d’impact en termes de BP, 2) soit de se faire accompagner par des structures spécialisées.

Tarif de rachat, CPB, BPA, comment y voir clair ?

Des mécanismes différents induisent des risques et des intérêts différents.
En attendant une vision plus claire de ces dispositifs, voici un 1er état des lieux suivant les typologies de sites de production. Un accompagnement par des entreprises spécialisées est véritablement recommandé pour intégrer des mécanismes type BPA et CPB (fournisseurs, cabinets d’avocats, aMO….).

Tableau récapitulatif : tarif réglementé, BPA, CPB

Légende :

Sources